Lucia Bru - Rien ne change de forme comme les nuages, si ce n'est les rochers

Lucia Bru - Rien ne change de forme comme les nuages, si ce n'est les rochers

Stokerijstraat 19 Wijnegem, 2110, Belgium Saturday, November 25, 2017–Saturday, January 13, 2018


The taste of stones

Nothing is more admirable than an artist’s obstinacy in working out possible variations of ‘things’ which, at first sight, seem utterly mundane. It is a process of parsing these elements, so as to illuminate their tiniest differences; it is a matter of grouping them, or setting them apart; it is a practice of following the objects’ potential right into the folds and creases of a piece of paper, onto the harshness of a stone, or into the transparency of a piece of crystal…. Why should our gazes only be sensitive to the spectacular efforts of some, and less concerned with the outline of a rock, or the shape-shifting of clouds? It is to this kind of attention that we are compelled by Lucia Bru’s work: it sharpens our vision and leads us into a universe of shapes and gestures. Its apparent simplicity is, above all, attained through an exacting process of distilling what is essential.
Here, all energy is dedicated to the ‘things’ themselves, to their particularities, each object being first imagined, and left to its own expansion, out of control, then kept for what it is. No mastery here wishes to intrude on the process of its evolution, if only a savoir-faire that confines itself to a sense of experimentation and a surrender to chance. Shapes that are simple and always asymmetrical, a diversity of materials chosen with an implacable logic, such as salt glaze, porcelain and crystal, clay, cement, paper, plaster and graphite, are the substances of an elementary geography of which the results, miniscule or voluminous, flow into the secret of the gestures and a need for imperfection.
Thus, a mineral world composes itself, in which figures of a recomposed ‘nature’ cohabit. It is a voyage into the thickness of things, of their weight, and their minutest qualities, where any attempt to name what we think we recognize would be as vain as trying to extract all of their meaning, or to distinguish their categories. It is to the domain of sculpture that these ‘things’ belong: placed on the ground or disposed on the walls, they keep sending us back to the same preoccupations: their common existence and their possible gravitation. 
But beyond the objects, these shapes so patiently established, that exist for their own sake, the energy is dedicated to their disposition, and the possible arrangements in the space in which they appear. Every element has to find its place, and every combination is painstakingly explored to compose the ephemeral landscape of an exhibition.
Like Japanese gardeners who ‘borrow the landscape’, Lucia Bru borrows the places in which she works, without constraining them or plying them to her arrangements. They are the supplementary, necessary elements of her passage. She uses them, for a given time, to unleash the unprecedented qualities of the expression of ‘things’ in which it simply remains for us to participate.

text by Joel Benzakin
translated by Kate Mayne

Le goût des pierres

Rien n’est  plus admirable que l’entêtement d’une artiste à travailler sans cesse  les possibles  variations de « choses » qui, à première vue, nous semblent si ordinaires, pour en souligner les moindres différences,  les unir ou  les distinguer, en explorer les potentiels jusqu’à tirer parti du froissement d’un papier,  des  aspérités d’un cailloux ou de la transparence d’un morceau de cristal…   Faut-il que nos regards ne soient plus sensibles qu’aux  efforts spectaculaires de certains pour que nous soyons si peu soucieux des contours d’un rocher ou des formes fugitives d’un nuage ? C’est à cette sorte d’attention que le travail de Lucia Bru nous oblige, qu’il affûte nos regards et nous entraîne dans un univers de gestes et de formes dont l’apparente simplicité est avant tout le résultat d’une exigence de l’essentiel. 
C’est aux « choses » elles-mêmes que toute l’énergie est ici consacrée, à leurs particularités, chaque objet étant d’abord pensé puis laissé à sa propre expansion, hors contrôle, gardé pour ce qu’il est. Nulle maîtrise ne veut ici interrompre le processus  de son évolution sinon un savoir faire se confiant  au goût de l’expérience et à l’abandon du hasard.  Formes simples et toujours asymétriques, diversité de matériaux aux logiques implacables, sable et grès, porcelaine et cristal, terre, ciment, papier, plâtre et graphite, sont les substances d’une géographie de  l’élémentaire dont les résultats, minuscules ou volumineux se coulent dans le secret des gestes et la nécessité de l’imperfection.
Ainsi se compose un monde minéral ou cohabitent les figures d’une  « nature » recomposée, un voyage dans l’épaisseur des choses, leur poids, leurs infimes qualités où tenter de nommer ce que nous croyons reconnaître serait aussi vain que d’essayer d’en extraire toutes les significations, ou d’en distinguer les catégories. C’est au domaine de la sculpture que ces « choses » appartiennent, placées au sol ou disposées aux murs, elles nous renvoient inlassablement aux mêmes préoccupations, à leur commune existence et leur possible gravitation.               
Mais au-delà des objets pour eux-mêmes, des formes patiemment établies c’est à leur disposition que l’énergie se consacre, aux possibles arrangements de ces ensembles dans l’espace de leur apparition. Chaque élément y doit trouver sa place, chaque combinaison y est minutieusement explorée pour composer le paysage éphémère d’une exposition.         Tels les jardiniers japonais « empruntant le paysage », Lucia Bru emprunte les lieux, sans les contraindre ou les plier à ses arrangements, sans les forcer à d’inutiles transformations, ils sont l’élément supplémentaire et nécessaire à son passage pour y transporter, un temps donné, les qualités inédites de l’expression des « choses » dont il ne nous reste finalement  qu’à prendre le parti.

Texte: Joel Benzakin