Commissaire : Anne Pontégnie
Daniel Buren
Valentin Carron
Camille Henrot
David Hominal
Alex Hubbard
Sergej Jensen
Yves Klein
Jutta Koether
Mathieu Malouf
Helen Marten
Pablo Picasso
Robert Rauschenberg
Kurt Schwitters
Daniel Spoerri
Fredrik Værslev
L’exposition est née d’une invitation, posée comme un défi, à penser
une exposition à partir de quelques artistes que la galerie kamel
mennour souhaitait réunir. La conversation qui est née de cette
question nous a permis de mettre à jour la résurgence contemporaine
d’une stratégie fondatrice de l’art moderne. Celle d’utiliser ‘tel quel’ -
pour de vrai - des matériaux usuels dans l’espace pictural. De la simple
planche de bois chez Hominal aux champignons de Mathieu Malouf,
des instruments de musique de Valentin Carron aux débris d’Alex
Hubbard, des accessoires SM de Jutta Koether aux tissus de Sergej
Jensen, le geste se retrouve, au-delà des divergences fondamentales
de leurs projets esthétiques. Que les matériaux soient utilisés comme
matière picturale chez Jensen ou Hominal, ou renvoient au réel de
manière plus explicite comme c’est le cas pour Alex Hubbard et Jutta
Koether, ils jouent un rôle également générateur de formes et de sens.
Par texture ou par volume, ils introduisent une hétérogénéité qui
permet de renouveler les possibilités picturales en même temps qu’ils
viennent briser la distinction entre l’abstraction et la figuration, le réel
et sa représentation. Ces matériaux sont aussi systématiquement
associés à une dimension ludique, parfois humoristique. Leur origine
modeste, la littéralité de leur présence, leur banalité intrinsèque
viennent empêcher toute transcendance et mettent en cause
l’autonomie du tableau en l’inscrivant dans le quotidien et le trivial.
Il est symptomatique que ce type de geste refasse surface chez de
nombreux artistes contemporains1
au moment même où la peinture, et
plus particulièrement la peinture abstraite, règne en maître sur la scène
de l’art. C’est dans un contexte esthétique dominé par les derniers
feux de l’impressionnisme et la naissance de l’abstraction que Picasso,
Braque et Kurt Schwitters introduisent des objets usuels dans l’espace
pictural pour y déployer un ensemble d’effets ludiques et conceptuels
qui leur permettent de le réinventer. De même, dans les années 50,
c’est en réaction à la domination et à l’essoufflement de la seconde
École de Paris et de l’Expressionisme Abstrait que les Nouveaux
Réalistes en France et Rauschenberg et Jasper Johns aux États-Unis font
à nouveau appel à l’objet pour détourner la peinture de son
épuisement formel et de son emphase existentielle.
Ces trois moments de l’art se caractérisent par la manière dont les
artistes qui utilisent cette stratégie du « pour de vrai » n’abandonnent
pas le terrain de la peinture mais au contraire exploitent ces matériaux
pour les opportunités formelles qu’ils leur offrent sans jamais
complètement basculer ni du côté de l’idée ni du côté du pop.
À travers trois moments d’un geste, et ses variations, l’exposition
cherche à faire percevoir comment en peinture, l’humour peut être
formel et l’invention subversive.
Anne Pontégnie
1
En plus des artistes présentés dans l’exposition, je pense aussi à Nina Beier, Valentina
Liernur, Neïl Beloufa, Laura Owens, ou George Henry Longly
//
Curator : Anne Pontégnie
Daniel Buren
Valentin Carron
Camille Henrot
David Hominal
Alex Hubbard
Sergej Jensen
Yves Klein
Jutta Koether
Mathieu Malouf
Helen Marten
Pablo Picasso
Robert Rauschenberg
Kurt Schwitters
Daniel Spoerri
Fredrik Værslev
The current exhibition began with an invitation, almost a challenge, to
come up with an exhibition based on the work of some artists kamel
mennour gallery wanted to bring together. The conversation that
came out of this was an occasion for us to draw attention to the
contemporary resurgence of that founding strategy of modern art
that involves using actual, everyday materials in the pictorial space.
Beyond the fundamental divergences of their respective aesthetic
projects, one sees this gesture return, from Hominal’s simple wooden
plank to Mathieu Malouf’s mushrooms, Valentin Carron’s musical
instruments, Axel Hubbard’s debris, Jutta Koether’s S&M accessories,
and Sergej Jensen’s fabrics. Whether they are used themselves as
pictorial materials, as by Jensen and Hominal, or touch upon the real in
the more explicit manner of Alex Hubbard and Jutta Koether, these
materials play a role equally generative of forms and sense. Through
texture or volume, they introduce a heterogeneity that allows for a
renewal of pictorial possibilities, while breaking down the distinction
between abstraction and figuration, the real and its representation.
These materials are also systematically associated with a playful,
sometimes humorous aspect. Their modest origins, the literality of their
presence, their intrinsic banality block all transcendence and question
the autonomy of the painting by enrolling it in the realm of the
everyday and the trivial.
It is symptomatic that this sort of gesture should resurface among a
number of contemporary artists1
at the very moment when painting,
and more particularly abstract painting, is lording it over the art scene.
It was in such an aesthetic context, dominated by the last lights of
Impressionism and the beginnings of abstraction, that Picasso, Braque,
and Kurt Schwitters introduced normal objects into the pictorial
space in order to unfold there a series of playful and conceptual
effects with which they could use to reinvent it. During the 50s, it was
likewise in reaction to the airlessness of painting under the domination
of the second Paris School and Abstract Impressionism, that the
Nouveaux Réalistes in France and Rauschenberg and Jasper Johns in the
US started to make use of objects as a way to release painting from its
formal exhaustion and its emphatic existential status.
These three moments in art history are each characterised by the way
in which the artists who choose such a strategy of painting ‘for real’
have not abandoned the field of their medium but have rather made
use of these materials for the formal opportunities they bring into
play, without the work ever going all the way over into either
conceptual or pop art.
Through three stages of a gesture and its variations, the exhibition is an
attempt to bring to light how in painting humor can be formal and
invention subversive.
Anne Pontégnie
1
Along with the artists represented in this exhibition, I am also thinking of Nina Beier,
Valentina Liernur, Neïl Beloufa, Laura Owens, and George Henry Longly.