Huang Yong Ping 'Bugarach'

Huang Yong Ping 'Bugarach'

Paris, France Wednesday, December 5, 2012–Saturday, January 26, 2013

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Huang Yong Ping 'Bugarach'

5 décembre 2012 – 26 janvier 2013
Vernissage le mercredi 5 décembre à 11h30

Kamel Mennour est heureux de présenter la seconde exposition personnelle de l’artiste chinois Huang Yong Ping à la galerie.

Bugarach est le nom d’un village des Pyrénées françaises et du pic montagneux qui le surplombe, nommé « la montagne renversée » en raison de sa particularité géologique qui en fait une curiosité naturelle : ses couches inférieures sont plus récentes que ses couches supérieures. Hameau d’à peine 200 habitants, Bugarach est depuis les années 1970 un lieu de pèlerinage pour de nombreux adeptes d’ésotérisme New Age. Ce site est récemment devenu une destination très prisée en raison de la croyance selon laquelle le pic serait le seul lieu épargné lors de la « fin du monde » qui, selon certaines lectures du calendrier Maya, devrait advenir le 21 décembre 2012. Cette prophétie de l’apocalypse, ou plutôt les nombreuses théories de « grande transformation » ou de fin de cycle, avancées par les théoriciens ésotériques ou de 'fringe science' (« science marginale ») est largement réfutée par les mayanistes. Elle se concrétise pourtant par l’afflux régulier de nouveaux habitants, pèlerins ou simples curieux venus du monde entier. Le pech de Bugarach est ainsi affublé de divers pouvoirs extraordinaires. Notamment considéré comme un haut lieu de présence extra-terrestre, il possèderait une cavité centrale, refuge des ovnis ou bien matrice d’un champ électromagnétique surnaturel qui empêcherait les avions de le survoler. Les différentes pratiques mystiques constatées récemment à Bugarach laissent entrevoir des syncrétismes de sagesses et de rituels orientaux, précolombiens ou amérindiens mâtinés de théories du complot. Les médias internationaux se pressent aujourd’hui à Bugarach en quête d’images folkloriques, et se font bruyamment l’écho de menaces de dérives sectaires, quitte à les alimenter en retour.

Dans notre société globalisée où la perte du sentiment religieux est contemporaine de l’essor de nouveaux extrémismes, la résurgence de ces spiritualités New Age à l’approche d’un cataclysme fantasmé n’est pas anodine. Il n’est pas étonnant que Huang Yong Ping s’empare de ce phénomène, lui qui depuis plusieurs années pointe avec justesse, dans ses installations monumentales, le rôle ambivalent de toute religion ('Les Mains de Bouddha', 2006 ; 'Construction Site', 2007 ; 'Caverne 2009', 2009). La présente exposition est conçue en écho à une autre installation, 'Cirque', présentée simultanément à la galerie Barbara Gladstone à New York. Reliées dans le temps, elles sont également proches par leur thème : la fin des temps, ou plus précisément 'le temps de la fin'.

En entrant dans la galerie, l’on est d’abord saisi par le vide de la première salle. Au sol se trouve un dispositif d’alarme, objet préventif mais aussi menaçant, dont on craint qu’il se déclenche inopinément. C’est en accédant à la deuxième salle que l’on découvre les nombreux corps d’animaux de toutes espèces, seize en tout, qui ont la double particularité d’être entièrement blancs, et privés de leurs têtes. Dispersés, marchant dans toutes les directions, leur désorientation est manifeste.

La plus petite salle est, par un étrange effet de déséquilibre, au contraire de la première, envahie par une énorme masse de neuf mètres de longueur, semblable à un grand rocher qui aurait brutalement émergé de terre. En contournant cette réplique en « miniature » du pic de Bugarach, on découvre une grande assiette blanche de quatre mètres de diamètre qui semble s’être fichée dans, ou bien émerger de la montagne. A moitié enfoncée dans la roche, elle est inclinée, et l’on y retrouve les têtes des seize animaux errants, toutes dressées vers le ciel. Ces yeux écarquillés, ces gueules ouvertes semblent contempler, défier ou peut-être supplier un hélicoptère en survol, placé juste au-dessus d’elles. Ce dernier chercherait-il à se poser, qu’il ne le pourrait point, la totalité du paysage étant abrupt et instable. Un drame cruel se joue dans ce face-à-face sans issue entre les animaux qui cherchent le salut et cet hélicoptère, dont on ne sait s’il représente pour eux une menace ou un espoir.

La robe blanche des animaux rappelle la couleur souvent choisie par les groupes religieux ou sectaires pour leurs habits de culte ; c’est la couleur de la pureté et de l’endoctrinement. L’hélicoptère est un engin symbolique de la surveillance et du contrôle, corollaires du besoin de protection à l’oeuvre dans toute société. Il rappelle aussi l’avion espion américain qui fut le sujet du 'Projet chauve-souris' (2000-2005), que Huang Yong Ping comparait à une grande coquille vide (*1), dénonçant ainsi le caractère illusoire de tout dispositif de contrôle.

Ainsi l’ensemble de l’exposition esquisse une scène de chaos, où sont constamment déjoués les repères d’échelle, et où sont bouleversés les rapports de forces entre le naturel et l’artificiel, le sauvage et le social. Ici ce n’est pas la montagne qui est renversée, mais bien plutôt le socle sur lequel reposent, impuissantes, les créatures terrestres. Cette « soucoupe volante » prise au piège, figée dans son instabilité, nous invite à percevoir cette scène comme l’apogée du drame, l’instant paroxystique du basculement.
De manière récurrente dans l’oeuvre de Huang Yong Ping, les animaux jouent un rôle métaphorique pour les comportements humains. Ici les animaux sans tête ont sans doute le même rôle que les insectes vivants de 'Théâtre du monde' (1993), à savoir de jouer le dernier acte d’une comédie de la cruauté dont nous sommes à la fois les sujets et les spectateurs.
Dans 'Arche 2009' (2009), les animaux taxidermisés se trouvaient au coeur d’un dispositif où la notion de protection est seulement illusoire, comme l’explique l’artiste dans le catalogue édité à cette occasion : « dès que survient une crise, nous avons toujours l’illusion qu’il existe une « arche » (…) » (*2), c’est à dire un lieu de refuge intact, alors même que le danger vient précisément du coeur de la société, de sa part irréductible de chaos. Ainsi Huang Yong Ping, lors de ses recherches pour la présente exposition, notait-il logiquement : « Bug-arach / Bug-arche ».

Si les théories de « la fin des temps » et la croyance en un refuge à Bugarach peuvent sembler anecdotiques ou risibles, Huang Yong Ping nous rappelle ici que la réalité n’est pourtant pas stable. En érigeant ce fait d’actualité au rang de monument, il réduit les différences de temporalité inhérentes à l’événement politique et à l’oeuvre d’art, et suggère ainsi que l’un et l’autre ne sont jamais très éloignés. En conférant une portée symbolique plus large à cette affaire, symptomatique d’une perte de sens généralisée, il semble nous indiquer que le monde tel que nous le connaissons est plus que jamais incertain, et que la déroute est bien réelle, tant au plan social qu’environnemental. Le mythe de la « fin du monde » résonne alors ici comme le symptôme, la partie émergée d’une entreprise destructrice dont on ne saurait déceler la cause ni le remède, du moins tant que resteront séparés le corps et la tête.

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(*1). Huang Yong Ping, notes sur le 'Bat Project', dans 'House of Oracles: A Huang Yong Ping Retrospective', Walker Art Center, Minneapolis, 2005 encart pp. 60-79. (*2). Huang Yong Ping, “Arche perdue”, interview par Richard Leydier, dans 'Huang Yong Ping, Myths', éd. Kamel Mennour, Paris, 2009, p.38.

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Né en 1954 à Xiamen (Chine), Huang Yong Ping vit et travaille à Paris depuis 1989.

Huang Yong Ping a participé à l'exposition "Magiciens de la Terre" au Centre Pompidou à Paris en 1989, et a représenté la France à la Biennale de Venise en 1999. En 2006, le Walker Art Center de Minneapolis lui consacre sa première rétrospective "House of Oracles," qui est devenue une exposition itinérante au Mass MoCA à North Adams (Massachusetts), à la Vancouver Art Gallery, et au Ullens Center à Pékin. Son travail a également fait l'objet de nombreuses autres expositions personnelles : au CCA Kitakyūshū, au Japon ; à De Appel à Amsterdam ; à la Fondation Cartier pour l'Art Contemporain à Paris ; au Astrup Fearnley Museum à Oslo ; à la Barbican Art Gallery à Londres ; au New Museum of Contemporary Art à New York ; à la Chapelle des Petits-Augustins des Beaux-Arts de Paris ; au Musée Océanographique de Monaco, ainsi qu’à Nottingham Contemporary à Nottingham.

Dans le cadre de la manifestation lille3000, le musée de l’Hospice Comtesse lui consacre une exposition personnelle jusqu’au 13 janvier prochain ; de même que le MAC – Musée d’art contemporain de Lyon du 22 février au 14 avril 2013.

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Huang Yong Ping 'Bugarach'

December 5th, 2012 – Januar 26th, 2013
Opening on Wednesday December, 2012 at 11.30am

Kamel Mennour is pleased to present the Chinese artist Huang Yong Ping’s second solo exhibition at the gallery.

Bugarach is the name of a village in the French Pyrenees and of the mountain peak that dominates upon it, called “the upside-down mountain” because of the geological feature that has made it a natural curiosity: its lower layers are more recent than its upper ones. Since the 1970s, Bugarach – a hamlet with barely 200 inhabitants – has been a place of pilgrimage for numerous followers of New Age esotericism. The site has recently become an extremely popular destination due to a belief that the peak is the only place that will be spared when the ‘end of the world’ comes. According to certain readings of the Mayan calendar, this is supposed to occur on 21st December 2012. This apocalyptic prophesy – or rather the numerous theories of the ‘great transformation’ or the end of the cycle, put forward by the esoteric or ‘fringe science’ theorists – has largely been refuted by Mayanists. However, it has gained ground thanks to the regular influx of new inhabitants, pilgrims or the simply curious who come from all over the world. The peak of Bugarach has been duly credited with various extraordinary powers. In particular, it is considered to be much frequented by aliens. It supposedly contains a central cavity – a hiding-place for UFOs, or even the matrix of a supernatural electromagnetic field that supposedly prevents planes from flying over it. The different mystical practices observed recently at Bugarach allow us to glimpse the syncretism of eastern, pre-Columbian or Amerindian wisdom and rituals, mixed in with a few conspiracy theories. The international media are now flocking to Bugarach in search of images of the weird, and are volubly spreading rumours about the threat of deranged sects, happily fuelling them in turn.

In our globalised society, where the loss of religious feeling has coincided with the rise of new extremisms, the resurgence of these New Age spiritualities as a fantasised cataclysm approaches is not insignificant. It is not surprising that Huang Yong Ping has seized on this phenomenon, having spent several years pertinently highlighting the ambivalent role of all religions in his monumental installations ('Les Mains de Bouddha' ['The Hands of Buddha'], 2006; 'Construction Site', 2007; 'Caverne 2009', 2009). The present exhibition has been conceived in conjunction with another installation, 'Cirque', being shown simultaneously at the Barbara Gladstone gallery in New York. Connected in time, they are also close to each other in theme: the end of time, or, more precisely, 'the time of the end'.

On entering the gallery, we are immediately struck by the emptiness of the first room. There is an alarm system on the floor, a defensive object, but also a threatening one, which we fear will go off unexpectedly. It is only once we have entered the second room that we discover the bodies of numerous animals – sixteen in total – of various different species, which have the dual peculiarity of being completely white, and headless. Spread out, walking in all different directions, they are evidently disorientated.

By a strange effect of imbalance, the smaller room, contrary to the first space, has been invaded by an enormous nine-metres-long mass, like a giant rock that has violently emerged from the earth. Walking around this ‘miniature’ replica of the Bugarach peak, we discover a large white plate, four metres diameter that seems to have lodged in, or is perhaps emerging from the mountain. Partially embedded in the rock, on its sloping surface we find the heads of the sixteen wandering animals, all raised towards the sky. With eyes wide open, their gaping mouths seem to be contemplating, defying, or perhaps pleading with a helicopter flying overhead, positioned directly above them. It appears to be searching for a place to land, something it us unable to do, the whole landscape being steep and uneven. A cruel drama is played out in this interminable confrontation between the animals, seeking salvation, and the helicopter, which could either represent a threat to them, or a source of hope.

The animals’ white coats recall the colour religious groups or cults often choose for their habits; it is the colour of purity and indoctrination. The helicopter is a machine symbolic of surveillance and control – corollaries of the need for protection that pervades the whole of society. It also recalls the American spyplane that was the subject of 'Projet chauve-souris' ['Bat project'] (2000-2005), which Huang Yong Ping compared to a large, empty shell (*1), thereby denouncing the illusory nature of all systems of control.

So it is that the entire exhibition hints at a scene of chaos, where references of scale are continually thwarted, and the balance of power between the natural and the artificial, the wild and the social, is disrupted. Here, it is not the mountain that is turned upside down, but instead the bedrock on which the earthly creatures rest, powerless. The ‘flying saucer’ captured mid-flight, frozen in its instability, invites us to see this scene as the apogee of the drama, the paroxysmal tipping-point.
In Huang Yong Ping’s work, animals repeatedly take on the metaphorical role of human behaviour. Here, the headless animals doubtless have the same role as the living insects in 'Théâtre du monde' ['World theatre'] (1993) – that is to say they play out the final act of a comedy of cruelty, of which we are simultaneously the subject and the audience.

In 'Arche 2009' ['Ark 2009'] (2009), stuffed animals are placed at the heart of a set-up where the notion of protection is merely an illusion, as the artist explains in the catalogue written for the occasion: “as soon a crisis arises, we always have the delusion that there is an ‘ark’ (…)” (*2), in other words, an intact haven, while all the time the real danger comes precisely from within society itself, from its irreducible share of chaos. So it was that, while researching the current exhibition, Huang Yong Ping noted: ‘Bug-arach / Bug-ark’.

If the theories of the ‘end of time’ and the belief in Bugarach as a haven can seem anecdotal or risible, Huang Yong Ping here reminds us that reality is nonetheless unstable. By elevating this contemporary event to the level of monument, he reduces the inherent temporal differences between the political event and the work of art, thereby suggesting that one is never far from the other. By conferring on the subject a wider symbolic bearing, symptomatic of a generalized loss of direction, he seems to indicate to us that the world as we know it is more uncertain than ever, and that the disarray is entirely real, as much on a social level as an environmental one., The myth concerning the ‘end of the world’ here resonates as the symptom, the visible part of a destructive venture of which we are unable to determine either the cause or the remedy, at least while the body and the head remain separated.

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(*1) Huang Yong Ping, notes on the Bat Project, in House of Oracles: A Huang Yong Ping Retrospective, Walker Art Center, Minneapolis, 2005 insert pp. 60-79.

(*2) Huang Yong Ping, ‘Arche perdue’ [Lost ark], interview with Richard Leydier, in Huang Yong Ping, Myths, published by Kamel Mennour, Paris, 2009, p.38.

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Born in 1954 in Xiamen (China), Huang Yong Ping lives and works in Paris since 1989.

Huang Yong Ping was part of the exhibition “Magiciens de la Terre” at Centre Pompidou, Paris in 1989. He represented France at the 1999 Venice Biennale. In 2006, the Walker Art Center in Minneapolis organized and premiered his retrospective “House of Oracles,” which traveled to Mass MoCA in North Adams, Massachusetts; Vancouver Art Gallery; and Ullens Center, Beijing. Other solo exhibitions include: CCA Kitakyushu, Japan; De Appel, Amsterdam; Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, Paris; Astrup Fearnley Museum, Oslo; Barbican Art Gallery, London; New Museum of Contemporary Art, New York; Chapelle des Petits-Augustins des Beaux-Arts, Paris; Musée Océanographique, Monaco; Nottingham Contemporary, Nottingham.

On the occasion of lille3000, Huang Yong Ping is currently the subject of a solo exhibition at the Musée de l’Hospice Comtesse (until January, 13th); and a further solo exhibition will take place in the MAC – Musée d’art contemporain de Lyon from February 22nd to April 14th.