At first, US artist Liam Everett’s Screen Paintings evoke strange maps, chaotic
landscapes overrun with luminous spasms. It is impossible to establish a precise
correlation between the Irish topology evoked in the captions accompanying
each of the paintings and the paintings themselves. But each of the villages
named here (Annadorn, Ardgroom, Cloghanmore…) is home to an important
Neolithic site (dolmens, megalithic alignments, tombs). This is an important
piece of information for approaching Everett’s painting, as—constructing and
deconstructing, erecting and excavating—it pertains at once to the spheres
of architecture and the archaeological dig.
The paintings are built up with many layers. They are the result of a long process
during which the artist executes various, heterogeneous operations. He works
with the canvas on the floor, or on the wall, without an easel. In this way, Everett
works ‘on’ and ‘before’ it. This double positioning sets in motion a decision made
not only in the visual field but also in that of the physical in space, anticipating—
and so directing—the viewer’s gaze, as it is scattered in different directions,
solicited by multiple interventions without a pre-established centre. On top of
the application of the pictorial materials, protocols of effacement generate a
ceaseless back and forth between addition and subtraction. The paintings are
also subjected to the abrasive activity of natural elements (sun, wind), salt, and
alcohol, which disturb the internal structure of the painting and give to the
finished surface qualities at once reflective and porous, at times generating
subtle anthropomorphic apparitions.
The smaller paintings in the series of Mask Paintings begin with vinyl prints
glued onto wooden panels. The works are exposed directly to the sunlight,
and Everett applies up to thirty layers of a thin varnish, intermittently effaced.
The captions of these works (Helvine, Tinzenite…) come from mineralogy. A
recurrent grid pattern encloses the composition, revealing in its interstices,
like an openwork panel or an Oriental lattice, the layered strata drawing the
gaze towards the interior of the painting.
With these two new series, Everett has wanted push in the direction of
subtraction the modernist concept of ‘two-dimensionality’. This twodimensionality
‘filters’ in a way the light and air so that they appear at the
surface of the painting. In a first instance, it holds the painting back from
divulging the long, almost alchemical series of operations the artist has subject
it to, while at the same time, the effects of transparency open onto a depth
making it possible to reconstitute the ‘life’ of the work. Life seems indeed to
be the eminently adequate word here: the paintings feel truly alive and the
process in an uninterrupted state of becoming. Everett himself says, ‘I am very
interested in the possibility of a work that’s always working, instead of a work
that’s been worked.’
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Au premier abord, les Screen Paintings (peintures-écran) de l’Américain
Liam Everett évoquent d’étranges cartographies, de chaotiques paysages
parcourus de spasmes lumineux. Si chaque oeuvre comporte un sous-titre,
il serait vain d’établir une corrélation précise entre la topologie irlandaise
et le tableau lui-même. Néanmoins, tous les villages évoqués (Annadorn,
Ardgroom, Cloghanmore…) abritent un site néolithique d’importance
(dolmens, alignements de mégalithes, tombes). Cette donnée est un point
important pour aborder la peinture d’Everett qui, de constructions en
déconstructions, d’élévations en excavations, relève à la fois de l’architecture
et de la fouille archéologique.
Un grand nombre de strates constituent les tableaux. Elles résultent d’un long
processus au cours duquel l’artiste procède à des opérations hétérogènes. La
toile est travaillée au sol, sans châssis, mais également sur le mur. Liam Everett
agit ainsi « sur » et « en face » d’elle. Ce positionnement double engage la prise
de décision sur le terrain non seulement du visuel mais aussi de la physicalité ;
il anticipe, et par là même induit d’emblée, le regard du spectateur, dispersé
dans diverses directions, sollicité par de multiples interventions menées
sans centre préétabli. En sus de l’application de la matière picturale, des
protocoles d’effacement génèrent de permanents va-et-vient entre addition
et soustraction. La peinture est également soumise à l’action abrasive
des éléments naturels (soleil, vent), du sel et de l’alcool, qui perturbent la
structure interne du tableau et confèrent aux surfaces des qualités à la fois
réflectives et poreuses, tout en générant parfois de subtiles apparitions
anthropomorphiques.
De dimensions plus réduites, les tableaux de la série des Mask Paintings
(peintures-masque) résultent quant à eux d’impressions sur vinyl contrecollé
sur des panneaux de bois. Les oeuvres sont directement exposées à la lumière
du soleil, et l’artiste applique jusqu’à trente couches d’un fin lavis de vernis qu’il
s’emploie à effacer par intermittences. Leurs sous-titres (Helvine, Tinzenite…)
sont empruntés au répertoire de la minéralogie. Le motif récurrent d’une grille
enclot la composition, mais il laisse toutefois entrevoir, à la manière d’une
claustra ou d’un moucharabieh oriental, les strates empilées qui mènent le
regard vers un intérieur du tableau.
En fait, Liam Everett a voulu, à travers ces nouvelles séries d’oeuvres, pousser
dans ses retranchements le concept moderniste de « bidimensionalité ».
Cette dernière « filtre » en quelque sorte la lumière et l’air afin qu’ils affleurent
à la surface du tableau. Elle entrave en premier lieu la divulgation du long
chemin parcouru par l’artiste au cours d’opérations quasi alchimiques ; mais
dans le même temps, les effets de transparence ouvrent sur une profondeur
qui permet de reconstituer la « vie » de l’oeuvre. Le terme de vie paraît tout
à fait adéquat, tant les tableaux paraissent vivants et le processus encore en
devenir : « Je suis vraiment intéressé par la possibilité qu’une oeuvre demeure
toujours “au travail”, plutôt qu’elle ait été définitivement “travaillée” , déclare
l’artiste.