Liam Everett: panem et Circen

Liam Everett: panem et Circen

47, rue Saint-André des Arts Paris, 75006, France Friday, January 20, 2017–Saturday, March 4, 2017

At first, US artist Liam Everett’s Screen Paintings evoke strange maps, chaotic landscapes overrun with luminous spasms. It is impossible to establish a precise correlation between the Irish topology evoked in the captions accompanying each of the paintings and the paintings themselves. But each of the villages named here (Annadorn, Ardgroom, Cloghanmore…) is home to an important Neolithic site (dolmens, megalithic alignments, tombs). This is an important piece of information for approaching Everett’s painting, as—constructing and deconstructing, erecting and excavating—it pertains at once to the spheres of architecture and the archaeological dig.

The paintings are built up with many layers. They are the result of a long process during which the artist executes various, heterogeneous operations. He works with the canvas on the floor, or on the wall, without an easel. In this way, Everett works ‘on’ and ‘before’ it. This double positioning sets in motion a decision made not only in the visual field but also in that of the physical in space, anticipating— and so directing—the viewer’s gaze, as it is scattered in different directions, solicited by multiple interventions without a pre-established centre. On top of the application of the pictorial materials, protocols of effacement generate a ceaseless back and forth between addition and subtraction. The paintings are also subjected to the abrasive activity of natural elements (sun, wind), salt, and alcohol, which disturb the internal structure of the painting and give to the finished surface qualities at once reflective and porous, at times generating subtle anthropomorphic apparitions.

The smaller paintings in the series of Mask Paintings begin with vinyl prints glued onto wooden panels. The works are exposed directly to the sunlight, and Everett applies up to thirty layers of a thin varnish, intermittently effaced. The captions of these works (Helvine, Tinzenite…) come from mineralogy. A recurrent grid pattern encloses the composition, revealing in its interstices, like an openwork panel or an Oriental lattice, the layered strata drawing the gaze towards the interior of the painting.

With these two new series, Everett has wanted push in the direction of subtraction the modernist concept of ‘two-dimensionality’. This twodimensionality ‘filters’ in a way the light and air so that they appear at the surface of the painting. In a first instance, it holds the painting back from divulging the long, almost alchemical series of operations the artist has subject it to, while at the same time, the effects of transparency open onto a depth making it possible to reconstitute the ‘life’ of the work. Life seems indeed to be the eminently adequate word here: the paintings feel truly alive and the process in an uninterrupted state of becoming. Everett himself says, ‘I am very interested in the possibility of a work that’s always working, instead of a work that’s been worked.’

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Au premier abord, les Screen Paintings (peintures-écran) de l’Américain Liam Everett évoquent d’étranges cartographies, de chaotiques paysages parcourus de spasmes lumineux. Si chaque oeuvre comporte un sous-titre, il serait vain d’établir une corrélation précise entre la topologie irlandaise et le tableau lui-même. Néanmoins, tous les villages évoqués (Annadorn, Ardgroom, Cloghanmore…) abritent un site néolithique d’importance (dolmens, alignements de mégalithes, tombes). Cette donnée est un point important pour aborder la peinture d’Everett qui, de constructions en déconstructions, d’élévations en excavations, relève à la fois de l’architecture et de la fouille archéologique.

Un grand nombre de strates constituent les tableaux. Elles résultent d’un long processus au cours duquel l’artiste procède à des opérations hétérogènes. La toile est travaillée au sol, sans châssis, mais également sur le mur. Liam Everett agit ainsi « sur » et « en face » d’elle. Ce positionnement double engage la prise de décision sur le terrain non seulement du visuel mais aussi de la physicalité ; il anticipe, et par là même induit d’emblée, le regard du spectateur, dispersé dans diverses directions, sollicité par de multiples interventions menées sans centre préétabli. En sus de l’application de la matière picturale, des protocoles d’effacement génèrent de permanents va-et-vient entre addition et soustraction. La peinture est également soumise à l’action abrasive des éléments naturels (soleil, vent), du sel et de l’alcool, qui perturbent la structure interne du tableau et confèrent aux surfaces des qualités à la fois réflectives et poreuses, tout en générant parfois de subtiles apparitions anthropomorphiques.

De dimensions plus réduites, les tableaux de la série des Mask Paintings (peintures-masque) résultent quant à eux d’impressions sur vinyl contrecollé sur des panneaux de bois. Les oeuvres sont directement exposées à la lumière du soleil, et l’artiste applique jusqu’à trente couches d’un fin lavis de vernis qu’il s’emploie à effacer par intermittences. Leurs sous-titres (Helvine, Tinzenite…) sont empruntés au répertoire de la minéralogie. Le motif récurrent d’une grille enclot la composition, mais il laisse toutefois entrevoir, à la manière d’une claustra ou d’un moucharabieh oriental, les strates empilées qui mènent le regard vers un intérieur du tableau.

En fait, Liam Everett a voulu, à travers ces nouvelles séries d’oeuvres, pousser dans ses retranchements le concept moderniste de « bidimensionalité ». Cette dernière « filtre » en quelque sorte la lumière et l’air afin qu’ils affleurent à la surface du tableau. Elle entrave en premier lieu la divulgation du long chemin parcouru par l’artiste au cours d’opérations quasi alchimiques ; mais dans le même temps, les effets de transparence ouvrent sur une profondeur qui permet de reconstituer la « vie » de l’oeuvre. Le terme de vie paraît tout à fait adéquat, tant les tableaux paraissent vivants et le processus encore en devenir : « Je suis vraiment intéressé par la possibilité qu’une oeuvre demeure toujours “au travail”, plutôt qu’elle ait été définitivement “travaillée” , déclare l’artiste.