Robin Rhode: Force of Circumstance

Robin Rhode: Force of Circumstance

6, rue du Pont de Lodi Paris, 75006, France Friday, January 20, 2017–Saturday, March 4, 2017

holy key by robin rhode

Robin Rhode

Holy Key, 2016

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A very particular kind of poetry emanates from the work of South-African artist Robin Rhode. Rhode speaks in connection with his works about ‘a form of theatre’ and even more so of ‘a kind of live cinema’. Standing before a succession of photographs decomposing an action (that of a body together with drawings that gradually materialize and dematerialize on the wall), one does indeed think of cinema’s primitive origins, of Étienne-Jules Marey or Eadweard Muybridge. But even more so, the fragmented narration, the bodies in profile, the relationship between these and the wall, all recall a much older tradition of image making, that of the ancient Egyptians. In Rhode’s work, the wall is a screen opening onto another world, perhaps an infinity of parallel universes. Doors and windows are a recurrent motif, making it possible to penetrate a two-dimensional space where the proportions and the laws of physics underpinning our world are no longer valid. It is truly a space of dreaming, of oneiric projection, materializing intimate thoughts with symbolic dimensions.

On the ground floor space of the gallery on the Rue du Pont de Lodi, Holy Key (2016) shows a figure caught in the throes of a struggle with a gigantic key. Like Atlas with the world on his back, and even more like Sisyphus endlessly rolling his rock, he is desperately trying to insert it into an outsized lock, through which a blinding light is streaming: the sign of a better world beyond the opaque, black wall on which each of his attempts has left behind a trace of the key. From a metaphysical point of view, the work evokes the difficulty we sometimes have finding a place in this world. Albert Camus’ book the Myth of Sisyphus comes to mind. ‘We must imagine Sisyphus happy,’ Camus concludes the book by saying, meaning that the Greek hero, in spite of his eternal damnation, remains nonetheless superior to his destiny.

This reference to existentialist philosophy recalls another. The title of the exhibition, “Force of Circumstance”, has been taken from Simone de Beauvoir’s memoir La Force des choses (1963). Rhode’s work is without a doubt, in an allegorical way, existentialist. He stages an interaction among living bodies attempting to master the mechanism of their destiny along with that of inert objects, with predefined uses, but which the magic of choreography and drawing can poetically, irremediably modify.

In the basement level space, Rhode reenacts in a new way a performance made in 2016 at the SCAD Museum of Art (Savanah College of Art and Design) in Georgia US. Objects painted black (chairs, a bicycle, a coat stand) are hung on the wall. The artist submerges his body in a bath full of ink, then takes hold of the objects to make them leave their trace. Robin Rhode’s work is shot through with an art of contrast, paradox, and antagonism—negative/positive, flatness/depth, abstraction/realism—where the power of thought and imagination lead us on a voyage from one extreme to another.

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Il émane de l’art du Sud-Africain Robin Rhode une poésie particulière. À propos de ses oeuvres, l’artiste évoque une « forme de théâtre » (a form of theatre), et plus encore une « sorte de cinéma vivant » (a kind of live cinema). Devant la succession des photographies, laquelle décompose une action (celle d’un corps et de dessins qui se [dé]matérialisent peu à peu sur un mur), on songe en effet aux origines primitives du septième art dans les photogrammes d’Étienne-Jules Marey ou d’Eadweard Muybridge. Mais plus encore, la narration fragmentée, le profil des corps, le rapport qu’ils entretiennent avec le mur, tout cela nous renvoie à une tradition bien plus ancienne de l’image, celle, notamment, des peintures égyptiennes. Chez Robin Rhode, le mur est un écran ouvrant sur un autre monde, voire une infinité d’univers parallèles. Portes et fenêtres y sont un motif récurrent, ils permettent de pénétrer un espace en deux dimensions où les lois physiques et les rapports d’échelle qui régissent notre monde n’ont plus cours. Cet espace est bien celui du rêve, d’une projection onirique, de la matérialisation de pensées intimes à la dimension symbolique.

Au rez-de-chaussée de la galerie du Pont de Lodi, Holy Key (2016) montre les affres d’un personnage qui se débat avec une clef gigantesque. Tel Atlas portant le monde, et plus encore Sisyphe poussant quotidiennement son rocher, il tente désespérément de l’insinuer dans une serrure aux dimensions hors normes, par laquelle filtre une éblouissante lumière, signe d’un monde meilleur dissimulé derrière le mur noir opaque. Chacune de ses tentatives inscrit l’empreinte de la clef sur la paroi. D’un point de vue métaphysique, l’oeuvre nous évoque la difficulté qu’on éprouve parfois à trouver une place en ce monde. On pense alors à l’essai qu’Albert Camus consacra au mythe de Sisyphe : « Il faut imaginer Sisyphe heureux », conclut l’écrivain pour signifier que le héros grec, en dépit de son éternelle condamnation, demeure tout de même supérieur à son destin.

Cette référence à la philosophie existentialiste en appelle une autre. L’exposition de Robin Rhode s’intitule « Force of Circumstance », d’après le livre La Force des choses (1963) de Simone de Beauvoir, dans lequel elle raconte ses mémoires. Existentialiste, l’art de Robin Rhode l’est assurément, de manière allégorique. Il met en scène une interaction entre des corps vivants, qui tentent de maîtriser les ressorts de leur destinée, et des objets inertes, à la fonction prédéfinie, mais que la magie de la chorégraphie et du dessin est susceptible de modifier poétiquement et irrémédiablement.

Dans le sous-sol de la galerie, l’artiste rejoue sur un mode inédit une performance réalisée en 2016 au SCAD Museum of Art (Savanah College of Art and Design), en Géorgie (États-Unis). Des objets peints en noir (chaises, bicyclette, porte-manteau) sont accrochés sur le mur. L’artiste plonge son corps dans une baignoire emplie d’encre, puis se saisit des objets afin d’imprimer leur trace. Tout l’oeuvre de Robin Rhode est parcouru par un art du contraste , du paradoxe et de l’antagonisme – négatif/positif, planéité/profondeur, abstraction/réalisme –, où les puissances de la pensée et de l’imagination permettent de voyager d’un extrême à l’autre.