Zineb Sedira, No Matter What

Zineb Sedira, No Matter What

6, rue du Pont de Lodi Paris, 75006, France Thursday, June 1, 2023–Saturday, July 22, 2023


starting a revolution (the battle of algiers) by zineb sedira

Zineb Sedira

Starting a revolution (The Battle of Algiers), 2023

Price on Request

no matter what (dreams have no titles) by zineb sedira

Zineb Sedira

No Matter What (Dreams Have No Titles), 2023

Price on Request

film canisters by zineb sedira

Zineb Sedira

Film Canisters, 2023

Price on Request

exile has wounded my heart (les mains libres) by zineb sedira

Zineb Sedira

Exile has wounded my heart (Les mains libres), 2023

Price on Request

disclaimers by zineb sedira

Zineb Sedira

Disclaimers, 2023

Price on Request

almost any stories (f for fake) by zineb sedira

Zineb Sedira

Almost any stories (F for Fake), 2023

Price on Request

a way of resisting (dreams have no titles) by zineb sedira

Zineb Sedira

A way of resisting (Dreams Have No Titles), 2023

Price on Request

Pour sa cinquième exposition personnelle à la galerie Mennour, Zineb Sedira aborde le cinéma comme l’outil d’une résistance joyeuse. Elle présente – pour la première fois en France – un volet de son projet Dreams Have No Titles, réalisé pour la Biennale de Venise de 2022, et récompensé de la Mention spéciale du jury. Lors de la préparation de son exposition dans le Pavillon français, Zineb Sedira s’est immergée dans la production cinématographique en France, en Italie et en Algérie au lendemain de l’indépendance algérienne. À partir des années 1960, les coproductions se sont multipliées, illustrant un désir de solidarité politique, artistique et intellectuelle avec les pays en cours de décolonisation. Le film Les rêves n’ont pas de titre met en lumière ces alliances internationales liées aux luttes de libération. Deux séries d’œuvres lumineuses composées dans un double mouvement — célébrer et dénoncer — prolongent cette recherche. 

Suite à la collecte de citations issues de films militants, Zineb Sedira a inséré cinq phrases dans des enseignes inspirées par les panneaux lumineux des cinémas hollywoodiens des années 1960. Bien que les citations choisies proviennent de différents films parmi lesquels Le Bal d’Ettore Scola, ou La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo, une même voix s’en dégage, celle du cinéma dit tiers-mondiste, anti-colonial et anti-impérialiste. Celui-ci aborde notamment les enjeux de la reconstruction politique post-indépendance, et le combat contre le racisme et le sexisme. De ces œuvres sombres, l’artiste extrait des slogans positifs pour « parler de politique avec humour et dans la joie ». En permettant d’imaginer ce qu’auraient pu être les affiches de ces films militants, Sedira leur accorde une célébrité à postériori, et propose de transmettre de nouveaux jalons dans l’histoire du 7e art. Au sein de l’exposition sont placées deux enseignes qui reprennent les propos du film Les rêves n’ont pas de titre. Dans un geste de mise en abyme semblable au caméo du cinéma, Sedira tisse ses propres mots à ceux des réalisateurs qu’elle admire. En s’inscrivant dans leur lignée, elle affirme, à son tour, qu’il existe « une manière de survivre, et de résister par le texte ».

En vis-à-vis de ces enseignes lumineuses, une seconde série intitulée Disclaimers invite quant à elle à revoir ce qui semble de prime abord innocent. Disclaimer se traduit par avertissement, ou clause de non-responsabilité. Inséré à l’ouverture d’un film, l’avertissement est un outil de communication qui pare à l’éventualité de la critique en permettant au producteur ou au distributeur de se distancier du contenu d’un film sans pour autant en modifier le contenu problématique ou cesser de le diffuser. Six avertissements sont insérés dans des imitations d’écrans de télévision aux formats d’image cinéma, et empilés les uns sur les autres tels des objets hors d’usage. Les films dont ils sont issus ne sont pas mentionnés, car seul le langage lui-même est visé. Pour Sedira, ces démentis d’association mériteraient d’être repensés comme un aveu de culpabilité. 

Au-dessus de l’escalier qui mène à la reconstitution d’une salle de cinéma des années 1960 – dans laquelle est projetée la pièce maîtresse et éponyme du projet Dreams Have No Titles – l’artiste accroche un dernier caisson qui pourrait servir de manifeste à son film : «No matter what, dance dance dance, to the tempo of life». En dépit de tout : continuer à danser ses rêves. «J’aime danser» raconte l’artiste. « C’est aussi simple que cela. Je crée continuellement des situations où la danse peut advenir. Enfant, mon père me donnait un franc symbolique et me proposait de danser pour lui sur de la musique algérienne. Un rien créait les conditions du spectacle, et il était alors mon seul public. » À l’opposé d’un documentaire classique dans lequel les dispositifs scéniques sont dissimulés, Dreams Have No Titles révèle les conditions de sa propre mise-en-scène pour mieux aborder la fabrique des images qu’est la mémoire collective. Si dans son film, Sedira danse seule alors que résonne Express Yourself de Charles Wright, elle est aussi entourée de sa famille intellectuelle, de cœur et de sang. Ses amis sont en effet devenus son public, ses chercheurs et ses camarades. Transmuté.e.s en acteurs et actrices, l’artiste et ses proches traversent les archives, déjouent les représentations, et ré-incarnent des personnages fictionnels dans des corps contemporains « héritiers de la postcolonialité ». Si le film propose bel et bien une relecture du cinéma sous l’angle des collaborations internationales, il met aussi à l’écran des amitiés intimes. Dans un élan qui n’est pas sans rappeler les mots de Bell Hooks qui qualifiait l’amour de « pratique de la liberté5», la fraternité et l’amitié y sont tendues vers un horizon politique.Avec«No Matter What», Zineb Sedira réinterprète les désirs politiques des années 1960 qui l’ont inspirée, pour mieux nous inviter à mettre en mouvement ceux d’aujourd’hui, et nous engager à continuer cette danse des rêves.


— Alix de La Chapelle