Eclectisme - Art Khmer et Art Moderne
Du 25 octobre 2013 au 21 décembre 2013
Pour faire écho à l’exposition « Angkor : Naissance d’un mythe - Louis Delaporte et le Cambodge » présentée à Paris par le Musée Guimet à partir du 16 octobre 2013, la galerie Jean-François Cazeau, en collaboration avec le Comité André Masson et Karim Grusenmeyer, vous invite à découvrir une confrontation entre l’Art khmer et l’Art moderne, à travers une sélection de sculptures et objets collectés par un amateur belge depuis les années 60, et l’œuvre du peintre André Masson.
La sculpture khmère
La diffusion des religions indiennes - bouddhisme et hindouisme - avec leurs iconographies complexes eut lieu dans les premiers temps de notre ère. Dès l'origine, les sculpteurs khmers ont su conférer aux oeuvres qu'ils réalisaient, tant en pierre qu'en bronze ou en bois, une indéniable originalité empreinte de grandeur et de hiératisme, mais aussi d'une discrète sensualité et en certaines époques d'un mysticisme inégalé. Longtemps avant la fondation d'Angkor, à la fin du IXe siècle, grâce à un équilibre harmonieux entre le respect du sacré et l'amour de la vie, les sculpteurs khmers ont réalisé des oeuvres d'un grand humanisme, directement accessibles à tous les êtres épris de beauté.
L'art Khmer s'épanouit le long du bassin du Mékong, au Cambodge, du VIe siècle au XVe siècle. La période d'Angkor, la plus fastueuse, se situe entre le IXe et le XIIIe siècle. Durant toute cette période, la production artistique sera abondante et d'une très grande qualité, inspirée en grande partie par les dieux et les thématiques religieuses bouddhistes ou hindouistes. Les statues étaient positionnées à l'intérieur des temples et faisaient partie du décorum, au même titre que les bas-reliefs ou les statues monumentales intégrées aux édifices. Elles étaient destinées à être l'intermédiaire entre l'homme et les dieux et à recevoir les offrandes et les dévotions des fidèles. Qu'elles soient la représentation de Bouddha, d'un roi ou d'un dieu hindou, l'inspiration reste à chaque instant empreinte de religion, en quête d'un équilibre parfait, de calme et de repos. Le religieux, brahmane ou moine bouddhiste, percevait l'oeuvre, en partie du moins, comme la matérialisation nécessairement réductrice de concepts philosophiques et théologiques dont la compréhension échappait au plus grand nombre. Les élites dirigeantes, le monarque en particulier, pouvaient y sentir la manifestation du pouvoir spirituel, épaulant de sa force et de sa puissance le pouvoir temporel.
Accompagnés de divers éléments du décor architectural des monuments dans lesquels ils prenaient place, Buddha, Bodhisattva et les Dieux brahmaniques d'Angkor et du pays Khmer ancien témoignent avec éclat de la qualité d'un art souvent mal connu et pourtant si prestigieux.
André Masson
Issu d’une famille modeste de l’Oise, André Masson (1896 - 1987) fait son apprentissage artistique dès l’âge de 12 ans à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles puis à l’École des Beaux-Arts de Paris, avec une prédilection pour l’art de la fresque.
En 1915, il s’engage comme fantassin. En 1917 il est grièvement blessé au Chemin des Dames, et, tout juste convalescent, il échappe de peu à l’internement. « Ma mélancolie était insondable. Il fallut de longs mois avant que je revienne à moi, en prenant cette expression dans sa plénitude. Ce moi avait été saccagé. Pour toujours. » écrit-il dans La Mémoire du monde en 1974. André Masson restera un écorché vif, un artiste indépendant et solitaire, rebelle à toute autorité.
A l’invitation d'André Breton, il rejoint dès 1924 le mouvement surréaliste auquel il participe de manière fervente et orageuse. L’avènement d’un monde de fantasmes, d’un monde fait de tout ce qui est issu de l'espace intérieur, met l’automatisme, et plus tard les tableaux de sable, au centre de sa recherche picturale. Guidée par l’esprit dionysiaque, qui se révèle chez lui par une ligne à la fois caressante et incisive, limpide et jaillissante, pour reprendre des termes chers à Michel Leiris, son approche de l’art graphique et de la peinture est profondément gestuelle, faisant de lui un précurseur reconnu de l'action painting.
Passionné et érudit dans les domaines de la littérature et de la musique, comme de la peinture et de la philosophie, André Masson avait un sens très pur de l’amitié, et des personnages comme Antonin Artaud, Robert Desnos, Louis Aragon, Georges Bataille, Michel Leiris, Georges Limbour… furent autant de compagnons de route… et parfois de débauche. « Nous avions conscience d'accéder au plan inconfortable et merveilleux de l'érotisme majeur. L'érotisme proposé comme genèse, centre, épanouissement… Je ne pense pas trahir mes camarades de la première heure en affirmant ici que tous, également, ne pensions à rien de mieux qu'à la création d'une Mythologie du désir. »
Celui qui ne pouvait séparer l’idée de peindre de l’idée d’être homme, qui revendiqua jusqu’au bout son engagement et sa responsabilité, fut reconnu par les poètes comme l’un des artistes majeurs de son temps. C’est à propos de « Homme », un tableau de 1924, qu’Antonin Artaud écrivait : « J’ai décrit cette peinture avec des larmes, car cette peinture me touche au cœur. J’y sens ma pensée se déployer, comme dans un espace idéal, absolu, mais un espace qui aurait une forme introductible dans la réalité. J’y tombe du ciel. Celui qui a peint ce tableau est le plus grand peintre du monde. A André Masson, ce qui lui revient. »
"Comment ne pas écrire MÉTAMORPHOSE avec les grandes lettres alors qu'il est le mot-maître de ma vie et de mon art?... L'esprit de métamorphose et l'invention mythique sont les extrémités du balancier qui m'ont permis de traverser sur la corde raide un monde de tragédies, d'écueils et de souffrances. (Toutefois alternent massacres et bouffonneries. Je suis un pessimiste gai.)" André Masson.